13 gennaio 2018

Joannes Michaelensis Notitia


ANNO DOMINI MCXXVIII
JOANNES MICHAELENSIS

NOTITIA
(Hist. litt. de la France, XI, 67)

Tout ce que l'on sait de Jean Michaelensis, c'est qu'il assista, au mois de janvier 1128, à un concile tenu à Troyes, dans lequel il remplit les fonctions de secrétaire. Effectivement lui-même semble l'insinuer dans le prologue sur la Règle des Templiers qu'on lui attribue. Aubert Le Mire, qui a donné au public cette Règle pour la première fois dans sa Chronique de l'ordre de Cîteaux, sur un manuscrit de l'abbaye de Saint-Victor de Paris, prétend que saint Bernard en est l'auteur. En quoi il a été suivi de tous ceux qui ont eu depuis occasion de parler des chevaliers du Temple et de leur règle. Haeften (Disq. Mon. tr. IX, disq. IX, p. 86), après Stellartius, remarque que cette Règle leur a été donnée par saint Bernard, mais dans un style très-différent de celui de ce saint docteur; et qu'on pourrait dire qu'il a voulu se mettre à la portée de ces bons chevaliers, si son discours adressé aux mêmes chevaliers n'était aussi éloquent que les autres ouvrages du saint abbé. Manrique, à l'an 1128, cite deux textes pour prouver que la Règle en question est l'ouvrage de saint Bernard; mais D. Mabillon fait voir dans l'avertissement qu'il a mis à la tète d'un écrit de ce saint (Op. S. Bern. t. I, p. 571), De laude novae militiae, ad milites Templi, que les deux textes n'ont rien de favorable à ce sentiment, qu'au contraire ils le renversent absolument. Il parait [1] par le premier, que le concile de Troyes ayant chargé saint Bernard de composer une règle pour les chevaliers du Temple, le saint s'en déchargea sur Jean Michaelensis. C'est ainsi que l'explique D. Mabillon; et c'est effectivement son véritable sens. On disputera, si l'on veut, sur le terme de scriba, on soutiendra que Jean Michaelensis n'a été que copiste on secrétaire, mais du moins est-il certain, qu'il n'est point fait mention dans le texte que saint Bernard ait composé aucune règle pour les Templiers. Quant à ceux qui pourraient prétendre que Jean Michaelensis ne se donne que la qualité de secrétaire, et non d'auteur, nous les prions de nous dire si la fonction que le concile de Troyes avait proposée à saint Bernard n'était que celle de scribe ou de secrétaire: or, Jean Michaelensis témoigne qu'il a rempli la fonction dont on avait voulu charger ce saint abbé, et qui lui était due, cui creditum ac debitum hoc erat. Il a donc composé lui-même la Règle, et n'a pas été un simple copiste. Il faut néanmoins avouer qu'il y a dans le premier texte une certaine obscurité, qui a pu donner occasion à Le Mire, Manrique et autres, de se tromper; mais un peu d'attention leur cût fait éviter cette méprise.
Pour ce qui est du second passage, il porte bien que le concile de Troyes ordonna qu on dresserait une Règle pour les Templiers, mais l'auteur de la Règle n'y est désigné ni de loin, ni de près. Monsieur de Villefore, dans la Vie de saint Bernard (Lib. II, p. 124, 125), dit que ce projet de donner une règle à ces chevaliers parut vaste et merveilleux à tous les prélats assemblés; et que, pour faire honneur aux lettres du pape Honorius et du patriarche de Jérusalem, ils invitèrent Bernard à composer la Règle que ces chevaliers demandaient; mais il ne jugea pas à propos, ajoute monsieur de Villefore, de se charger de ce soin, et elle fut faite par un autre. Guillaume de Tyr (l. XII, c. 7), et Jacques de Vitri (l. I, c. 65) font mention de la Règle donnée aux chevaliers du Temple dans le concile de Troyes. Si saint Bernard en avait été l'auteur, ces deux historiens auraient-ils manqué de le dire? Cependant ils gardent un profond silence sur l'auteur. Un manuscrit de la bibliothèque Cottonienne porte que cette règle a été dressée et écrite par Jean Michaelensis, par ordre du concile et de saint Bernard. D'ailleurs Albéric, moine de Citeaux, dit qu'on donna à ces chevaliers la Règle de saint Augustin; aussi le Monasticon Anglicanum les place-t-il sous l'ordre de Saint-Augustin. Il serait assez surprenant qu'un moine de Citeaux, tel qu'Albéric, qui demeurait dans l'abbaye de Trois-Fontaines, peu éloignée de Clairvaux, eût ignoré que saint Bernard avait composé cette Règle, s'il en eût réellement été l'auteur.
 Mais ce qui démontre sans réplique que la règle des Templiers ne peut ètre l'ouvrage de saint Bernard, c'est la différence qu'il y a entre le style de cette Règle et celui du saint abbé de Clairvaux. La Règle est remplie de termes barbares, et de la plus basse latinité; on n'y voit rien de cette élévation d'esprit, de cette noblesse de style, de ce goût pour la piété, de cette onction, qui règnent dans tous les écrits de saint Bernard, et caractérisent ses véritables productions. Nous ne nous arrêterons pas davantage à combattre un sentiment qui se détruit par lui-même; et il suffit de jeter les yeux sur l'ouvrage en question pour se convaincre qu'il n'est point de saint Bernard. Il est bien vrai que le concile de Troyes, pour entrer dans les vues du pape Honorius II et du patriarche de Jérusalem, voulant dresser une Règle pour les Templiers, jeta les yeux sur saint Bernard comme étant plus capable que tout autre de le bien faire. Mais le saint abbé s'en déchargea sur Jean Michaelensis qui la dressa pendant le concile même, puisqu'elle y fut lue et approuvée, comme l'assure l'auteur. Mais il y a eu depuis plusieurs additions. Elle consiste en soixante et douze chapitres, autant qu'il y en a dans la Règle de saint Benoît, dont l'auteur a emprunté plusieurs choses. Le but de cette Règle est d'allier la vie monastique avec la profession des armes. Il y est défendu de recevoir des enfants, de crainte qu'il ne vinssent dans la suite à se repentir de leurs engagements; les chevaliers du Temple n'étaient encore en l'an 1128 qu'au nombre de neuf, dont six se présentèrent au concile de Troyes, ayant à leur tête Hugues des Payens leur premier grand maître: il est à présumer, qu'ils emportèrent avec eux en Palestine, où ils retournèrent l'année suivante, la Règle qu'on leur avait dressée. Elle a été publiée dans différents recueils. André Favin l'a donnée dans son Théâtre d'honneur et de chevalerie (lib. IV, p. 16; 4, 1659), imprimé à Paris, chez Robert Foüet en 1620, in-4o. L'éditeur l'attribue à saint Bernard, quoique de son propre aveu, elle ne se trouve point parmi ses oeuvres. Elle a été imprimée dans le Nécrologe de l'ordre de Cîteaux, avec une lettre de Baudouin, roi de Jérusalem, par laquelle ce prince prie saint Bernard de donner une Règle aux chevaliers du Temple: dans le Fasciculus sanctorum ordinis Cisterciensis de Chrysostome Henriquez, dans le dixième volume des conciles des Pères Labbe et Cossart, etc.

M. Le Boeuf (Diss. sur l'hist. de Paris, t. II, p. 119) parlant des compositeurs de chant ecclésiastique dans le XIIe siècle, cite un certain Michalus fort vanté par le docteur Alain, comme ayant corrigé les erreurs commises dans cet art:
Musica laetatur Michalo doctore, suosque Corrigit errores tali dictante magistro.
Y aurait-il de la témérité à conjecturer que ce Michalus pourrait être le même que notre Jean Michaelensis. Du reste, ce musicien nous est absolument inconnu.

[1] «Sane autem prorsus, licet nostri dictaminis auctoritatem permaximus numerus religiosorum Patrum qui in illo concilio divina admonitione convenerunt, commendat; non tamen debemus silenter transire, quibus videntibus et veras sententias proferentibus, ego Joannes Michaelensis praesentis paginae, jussu concilii ac venerabilis abbatis Claraevallensis, cui creditum ac debitum hoc erat, humilis scriba esse divina gratia merui».



JOANNIS MICHAELENSIS
REGULA TEMPLARIORUM.
(LABBE Concil. X, 923.)

CONCILIUM TRECENSE. [2]

MONITUM.
(MABILL. Annal. Bened. l. LXXV, n. 28.)

Matthaeus, ex priore S. Martini a Campis creatus ab Honorio cardinalis et episcopus Albanensis, sub finem anni superioris cum legati potestate in Galliam missus, ineunte hoc anno Trecis concilium habuit cui Rainaldus Remorum, et Henricus Senonum cum suis suffraganeis interfuere, multique abbates, in primis Stephanus Cisterciensis et Bernardus Claraevallensis. Tempus habiti concilii discimus ex prologo Regulae militum Templi, quae in illo concilio approbata fuit, nimirum in solemnitate S. Hilarii, anno 1128 ab incarnato Filio Dei, ab inchoatione praedictae militiae nono, quae a magistro Hugone de Paganis sumpsit exordium. Hunc prologum scripsit, et Patrum sententias Joannes Michaelensis jussu concilii ac venerabilis abbatis Claraevallensis, cui creditum ac debitum hoc erat, nempe ut scriba concilii esset. Idem auctor singulos episcopos et abbates commemorat qui concilio adfuere. Abbates hi sunt: abbas Vezeliacensis, scilicet Raynaldus, qui non multo post factus est Lugdunensis archiepiscopus ac sanctae Romanae Ecclesiae legatus; abbas Cisterciensis, scilicet Stephanus: abbas Pontiniacensis Hugo, abbas Triumfontium Rogerius, cui Guido anno sequenti successit; abbas S. Dionisii de Remis, abbas S. Stephani de Divione, abbas Molismensis Guido. Nec defuit supra nominatus abbas Bernardus Claraevallensis, cujus sententiam praescripti libera voce collaudabant. Hunc ad concilium repetitis litteris invitaverat Matthaeus, excusantem quod saevientis acutae febris exusta ardoribus et exhausta sadoribus non valeret sufficere spiritui prompto caro infirma (BERN. ep. XXI); sed tandem jubenti legato parendum fuit. Praeter episcopos et abbates eidem etiam concilio interfuere Albericus Remensis et magister Fulgerius; et ex laicis comes Theobaldus, comesque Nivernensis, et Andreas de Baudimento; denique Hugo militiae magister cum aliquot e suis discipulis, qui modum et observantiam instituti sui Patribus exposuit. Placuit itaque concilio ut eorum Regula a Patribus examinata et approbata, scripto commendaretur. Quod a Joanne Michaelensi scriba concilii factum est. Haec Regula fere tota ex verbis Regulae S. Benedicti contexta est, constatque totidem capitulis, scilicet septuaginta duobus. Ejus auctor a plerisque creditur S. Bernardus; at sufficit ei tribuere librum De laude novae militiae, ad milites Templi, qui Hugoni magistro inscriptus est.

[2] Acta concilii, tempus et locum enarrans Tyrius, lib. XII, cap. 7, ista scribit: «Concilio in Francia apud Trecas habito, cui interfuerunt dominus Remensis, et dominus Senonensis archiepiscopi, cum suffraganeis suis, Albanensis quoque episcopus, apostolicae sedis legatus, abbates quoque Cisterciensis et Clarevallensis, cum aliis pluribus, instituta est eis regula et habitus assignatus, albus videlicet, de mandato domini Honorii papae, et domini Stephani Hierosolymitani patriarchae. Cumque jam annis novem in eo fuissent proposito, non nisi novem erant: ex tunc coepit eorum numerus augeri, et possessiones multiplicabantur. Postmodum vero tempore domini Eugenii papae, ut dicitur, cruces de panno rubeo, ut inter caeteros essent notabiliores, mantellis suis coeperunt assuere, tam equites quam eorum fratres inferiores, qui dicuntur servientes: quorum res adeo crevit in immensum, ut hodie trecentos plus minusve in conventu habeant equites, albis chlamydibus indutos, exceptis aliis fratribus, quorum pene infinitus est numerus. Possessiones autem tam ultra quam citra mare adeo dicuntur habere, ut jam non sit in orbe Christiano provincia, quae praedictis fratribus bonorum suorum portionem non contulerit, et regiis opulentiis pares hodie dicantur habere copias. Qui, quoniam juxta Templum Domini, ut praediximus, in palatio regio mansionem habent, fratres militiae Templi dicuntur. Qui cum diu in honesto se conservassent proposito, professioni suae satis prudenter satisfacientes, neglecta humilitate, quae omnium virtutum custos esse dignoscitur, et in imo sponte sedens non habet unde casum patiatur, domino patriarchae Hierosolymitano, a quo et ordinis institutionem et prima beneficia susceperant, se subtraxerunt, obedientiam ei, quam eorum praedecessores eidem exhibuerant, denegantes; sed et ecclesiis Dei, eis decimas et primitias subtrahentes, et earum indebite turbando possessiones, facti sunt valde molesti.» In quo Templariis militibus, anno suae institutionis nono, una cum Regula assignatus est habitus albus, anno Domini 1128, tempore Honorii papae II.